Cette expérimentation prend sa source dans un groupe d’échange de pratiques entre responsables d’Accueil de Loisirs Sans Hébergement des centres sociaux de la fédération de la Vienne. Les membres de ce groupe, responsables des vacances d’enfants de 3 à 12 ans, se sont interrogés sur les différentes manières de permettre aux enfants de choisir et d’agir sur leurs temps de loisirs, et ce pendant plus d’un an. Ils ont aussi échangé sur les discussions engagées avec les familles lorsque l’enfant acquiert une place de responsable de ses vacances dans le centre.
Deux des salariés de ce groupe sont particulièrement impliqués dans le déploiement d’une pédagogie institutionnelle au sein de leur propre structure. Leur travail autour d’une démocratie des enfants, leurs expériences pour accompagner des projets d’enfants au sein de leur ALSH a permis à chacun de s’enrichir de leurs expériences.
Cependant le groupe a très vite constaté que les échanges entre pairs ne suffisaient pas à permettre l’évolution des pratiques. En effet, on peut tous se poser les questions suivantes : Quels échanges sont en mesure de rendre compétents des gens en ce qui concerne ce qu’on appelle généralement le «savoir-être» ? Comment apprend-on à «emmener» un groupe ? Est-ce qu’on apprend «la justesse» dans les relations ? Est-ce qu’on apprend à «oser prendre des risques» ? Pourquoi certains animateurs sont-ils spontanément à l’aise pour développer des approches pédagogiques basées sur la créativité des enfants et d’autres non ?
Lorsque l’on discute des parcours de vie de nombreux professionnels ou bénévoles de l’animation, on peut mesurer que ceux qui semblent compétents dans ces matières, et plus précisément ceux qui développent de manière consciente des approches émancipatrices, ont tous vécu, non pas une formation mais un contexte formateur/éducatif particulièrement marquant. Tous ont en mémoire une expérience fondatrice, que ce soit avec un instituteur Freinet, un enseignant, au sein de leur propre famille, que ce soit par le scoutisme ou encore la psychiatrie institutionnelle, la recherche-action… Autant de cadres dans lesquels l’ordre habituel du discours, la hiérarchie des fonctions et des rôles ont été mis en question : prises de responsabilités précoces, prises de consciences majeures, rapport à l’altérité, à la créativité… Ces contextes formateurs et initiatiques leur ont montré qu’on pouvait faire différemment de ce qui était habituel, pour obtenir le plus souvent de bien meilleurs résultats. Mais, et c’est là le plus important, ils n’ont pas été simplement convaincus par un discours, ils ont éprouvé la situation en pratique, dans tout ce qu’elle a de libérateur, d’émancipateur. Ils ont tous vu, vécu, ressenti, expérimenté à quel point il était non seulement possible mais souhaitable de faire un pas de côté et de proposer des formes nouvelles de relation, de responsabilité, d’autorités. En cela, il s’agit d’une morsure. Car dès lors, il était difficile pour chacun d’entre eux de ne pas essayer d’y revenir, en se rapprochant de certaines pratiques, de certains mouvements, de certains groupes ou en essayant dans son propre contexte bénévole ou professionnel de les développer à nouveau. Quand on y a gouté, c’est difficile de manger autre chose…
Compte tenu de cette analyse, le groupe a décidé de récréer ce type de moment initiatique. Pour favoriser une sorte de «contagion positive» entre structures, pour éprouver ensemble et surtout avec les enfants et les familles, le groupe a décidé d’animer une semaine avec un groupe d’enfants.
L’objectif est donc de mordre les professionnels pour qu’ils sachent mieux « mordre » les enfants ! En effet si on observe nos parcours de vie, dans la chaîne éducative, nos parents, nos proches mais aussi des enseignants, des animateurs, des travailleurs sociaux, des éducateurs sportifs nous ont offert de la considération, de l’énergie, des convictions et du temps. A l’écoute de nos enjeux (individuels ou parfois collectifs), ils nous ont permis de passer une étape décisive en nous faisant prendre conscience de certaines choses, en nous encourageant, en nous bousculant, en nous soutenant.
Lorsque nos parents ont bien tenu ce rôle de supporters inconditionnels et de passeurs (ou si des personnes tierces ont pris leurs fonctions), lorsqu’un étayage a été suffisamment fort en termes de confiance et d’ouverture, nous avons pu « monter en capacité » de manière plus autonome, par la découverte d’œuvres (films, livres, etc.) et d’idées.
Mais dans nos histoires, nous pouvons remarquer que ces passeurs nous ont mis dans des conditions qui nous nous permettaient d’améliorer notre compréhension du monde et de nous-mêmes. Ces évolutions nous permettant ensuite d’accroître notre pouvoir d’action. La semaine d’expérimentation vise à recréer un de ces moments initiatique pour l’ensemble des enfants présents.
La semaine d’expérimentation est considérée comme un point de départ qui a pour objectif d’irriguer les familles, les animateurs, les administrateurs, les centres sociaux.
Bravo à toute l’équipe !
Gaétan